dimanche 28 décembre 2014

De l’Amour neuronal

Deux instincts composent les forces irrationnelles qui entraînent l’homme : l’instinct de conservation et l’instinct sexuel.
 « L’homme n’est pas à l’origine de sa propre volonté, il est créature du vouloir-vivre universel » (Schopenhauer)

L’instinct d’autoconservation s’explique aisément par la théorie de l’Evolution (mécanisme de hasard/sélection) puisque s’il n’existait pas, nous ne serions pas là pour en parler.
Par contre, l’instinct de reproduction est plus difficile à expliquer par la théorie de l’Evolution.

Pourquoi ?
Parce que ce processus  s’accomplit sur une longue séquence (ou programme génétique, long  de 3 ans, semble-t-il) selon un enchaînement qui sent son but, (sa finalité, comme l’exprimait la célèbre formule d’Aristote : « La Nature ne fait rien en vain »).
Or, rappelons que, pour la science,  la Nature n’a  ni buts ni fins. La preuve en est qu’elle fait peu de cas de ses ratés, de ses régressions, de ses impasses. Restons en donc au déterminisme scientifique qui nie l’influence des causes finales en physique.
Chez l’Homme, la volonté, notre libre choix n'est en fait pas libre mais déterminé par ce qui nous met en sécurité.

Rappels :
La théorie de l’Evolution de Darwin & Wallace ne commande pas la création des instincts, elle les explique.
Une population d’êtres vivants a plus de chance de se perpétrer si, primo, elle a de nombreux descendants et si, deusio, ceux-ci ont une constitution  qui leur permet de s’adapter à leur environnement. Par le hasard et grâce à cette sélection naturelle, les êtres vivants favorisés  seront ceux qui possèdent , dans leurs gènes, un programme spécial, l’instinct sexuel qui pousse une femelle et un mâle à se trouver, à s’accoupler et à vivre en couple le temps d’élever leurs enfants.

Comment s’est constituée cette séquence reste un mystère ?

Rappelons qu’il existe des systèmes explicatifs autres que la théorie de l’Evolution ;
D’abord, l’intervention divine mais, dit-on, « les voix de Dieu sont impénétrables », donc, circulons, il n’y a rien à voir ;
Reste le « libre-arbitre de la volonté » humaine qui s’oppose au déterminisme de l’Evolution, mais que peut la volonté devant une belle femme/un bel homme) ?
Selon Sartre, on peut toujours dire Non dans l’absolu, mais comment s’opposer au naturel qui, comme chacun sait, revient toujours au galop.

Revenons à la Théorie de l’Evolution qui, selon nous, est l’explication la plus convaincante bien que cette théorie ne soit pas, scientifiquement prouvée (selon le critère  de non-réfutation de K.Popper)
Elle se base sur  l’occurrence de mutations favorables. En génétique, une mutation est une modification irréversible de l'information génétique et héréditaire contenue dans un génome et due, par exemple, au rayonnement cosmique erratique, frappant un gamète.

On parle de mutation germinale  quand la mutation porte sur l'ADN des cellules souches d'un gamète Dans ce cas, l'embryon sera porteur de la mutation, alors qu'aucun des parents ne la possédait dans son patrimoine génétique. 

 Cette explication peut sembler une échappatoire comme celle qui justifie l’apparition d’un organe de vision aussi complexe que l’œil humain, mais la science ne possède pas encore de justification plus convaincante, c’est-à-dire, plus admissible ou probable.

Détaillons la séquence de la reproduction, prétendument inventée par Dame Nature, mais, en fait, probablement due entièrement au couple hasard/sélection.[*]

« 1°.- Le désir sexuel qui se caractérise par un besoin pressant de satisfaction sexuelle  et qui n'est pas, nécessairement lié à la présence d'une personne particulière.
En fonction des connaissances disponibles actuellement, on peut expliquer la reconnaissance du partenaire et l'état d'excitation sexuelle par  les phéromones sexuelles qui assurent les connexions entre les récepteurs olfactifs et les neurones de l’hypothalamus qui contrôlent les hormones sexuelles).
Mais, à vrai dire, on voit mal comment le rapprochement et le contact des zones génitales serait une phase innée chez l’animal.
2°.- L'attraction très spéciale pour une  personne du sexe opposé, objet de toute notre attention et de notre énergie qui se caractérise par de l'euphorie, des pensées envahissantes  centrées sur la personne  cible et par une envie irrépressible d'être uni émotionnellement avec celle-ci. Il s'agit, bien sûr, d'amour. [*]

3°.- L'attachement, ou l'installation dans la durée, qui se caractérise chez les animaux par la construction du nid, la défense du territoire et les soins mutuels, y compris alimentaires, et chez les  couples humains, par des fonctions globalement équivalentes. Â ce stade, l'objectif est, bien entendu, l'éducation des jeunes.
Si on inclue le temps des soins à prodiguer à un enfant pour qu’il devienne autonome, on voit que cette séquence instinctive de « reproduction » est étonnamment longue ; Elle dure au moins 3 ans. » [*]

Ce programme génétique héréditaire est , en fait, une suite d’émissions programmées d’hormones dans le corps du violeur, du Don Juan cynique, de l’amoureux sincère ou du futur parent, selon le cas. Ce sont :
               Les phéromones dont l'effet est faible dans l'espèce humaine, et il est surtout physiologique. Au cours de l'évolution, les phéromones ont été remplacées par les récompenses / renforcements, et le comportement de reproduction est devenu un comportement érotique.
               L’Ocytocine est l’hormone de l'attachement.
« Elle est effectivement impliquée lors de l'accouchement, mais elle semble  aussi, par ailleurs, favoriser les interactions sociales amoureuses ou impliquant la coopération, l'altruisme, l'empathie, l'attachement voire le sens du sacrifice pour autrui, même pour un autrui ne faisant pas partie du groupe auquel on appartient. » [*]
               La Dopamine et les Endorphines sont des hormones qui actionnent les circuits de récompense.
 La dopamine est responsable de la motivation, les endorphines provoquent le désir qu'on cherche à renouveler. En ceci, son effet s’apparente à celui de la cocaïne.

Mais la chimie des hormones n’engendre pas le même comportement chez les hommes et chez les femmes.
Observons un groupe d’hommes et de femmes:
En général, un homme en société, inconsciemment peut-être, tend à vouloir être le mâle dominant. Il cherche à impressionner les femmes pour qu’elles aient envie de coucher avec lui. Pour ce faire et diminuer les autres hommes présents, il doit faire état de sa position hiérarchique enviée, de ses amis influents,  de son compte en banque, de son patrimoine, de ses beaux costumes, de sa belle auto, de sa cave à vins,  de son intelligence, de son humour, de sa force physique, de sa bonne santé, de son attendrissement pour les enfants, de ses bonnes œuvres, de son goût pour le bricolage  etc.
Il faut dire que la compétition est dure puisqu’il y a, en chaque mâle, des milliards de spermatozoïdes générés par jour alors qu’il n’y a qu’un ovule fécondable par femme et par mois.

Quand le veuille ou non, la femme,  tout au moins dans les temps anciens, était et reste encore vulnérable car si on devient une femme, on nait femelle  et ceci à cause du grand fardeau biologique de la mise au monde d’un enfant et de son longue apprentissage.

Oui, une femme, c’est « intéressé »… pour la bonne cause, puisque, pour elle, un « je t’aime » est la promesse d’une assurance-vie (du moins feint-elle de le croire)

Est-ce provocation de dire que ce sont les femmes qui ont inventé l’Amour humain ?

Deux types d’amour : Aimer ou être aimé

« Je t’aime » caractérise l’instinct de reproduction qui met en jeu, successivement et sur une longue période, le désir sexuel,  l’attraction d’apparence sentimentale et l’attachement entre 2 parents.

 « Être aimé » est plutôt l’expression de l’instinct d’autoconservation.

L’instinct d’autoconservation se doit de précéder l’instinct sexuel, car la condition première de propagation de l’espèce est bien qu’un individu se maintienne en vie (Conatus) avant de pouvoir se reproduire.
Cependant, il est généralement admis que l’instinct sexuel n’est qu’une autre facette de l’instinct de conservation, celle qui aurait pour « but » la conservation de l’espèce (ce qui est contestable).

Le lecteur sentimental, choqué par cette chimie des hormones, cette camisole chimique qui enserre l’amour,  pourra se consoler en constatant que, par le jeu de substances chimiques, le désir sexuel, l’attraction et l’attachement se passent dans le  cerveau des 2 partenaires donc dans la partie de l’être humain la moins animale.

Constatons que l’amour est universel, comme le souligne Lucy Vincent [*], et existe partout: « Chez tous les peuples connus, on chante des chansons d'amour, on écrit des poésies d'amour, on raconte des mythes et des légendes fondés sur l'amour, on pratique la magie  pour susciter l'amour et, dans des cas extrêmes, on se suicide par amour déçu. Les mécanismes qui contrôlent notre aptitude à tomber amoureux semblent donc bien antérieur à l'existence des différents types de sociétés et des différents contrats de mariage »

LES AMOURS ROMANTIQUES ET PLATONIQUES.
Puis est apparu le « pur amour », l’amour désintéressé, définit comme un don de soi et une acceptation de l’autre tel qu’il est. [*]
Ce type d’amour met en échec l’explication déterministe avancée par la théorie de l’Evolution. En effet, il n’a pas l’effet d’unir deux personnes sexuées en vue de la reproduction ;
Il faut faire appel à une autre explication plutôt étayée, selon nous, par la recherche de sécurité, c'est-à-dire une manifestation de l’instinct d’autoconservation.
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Quels sont nos arguments ? :

 L'homme est l'unique être vivant  qui a un besoin insatiable de se  raconter des histoires.
 Il a ainsi développé grandement son imagination d'où il tire moult  satisfactions gratuites.
 Exemple: l’amour   romantique ou platonique, la foi religieuse etc.
Souvent la cause  de ces "romans" est l'insatisfaction ressentie dans le temps présent.
 A partir de son expérience et du contenu de sa mémoire, l'imagination  de l'homme lui permet de bâtir des scénarios dans le but d'anticiper l'avenir selon les hypothèses les plus favorables. En anticipant, il croit gagner une certaine sécurité, expression de son instinct d'autoconservation.

Espérer  c'est avoir la capacité de se projeter profondément dans l'avenir, par exemple croire en une autre vie après la mort pour calmer son angoisse existentielle.
C'est particulièrement le cas où un homme est seul dans le désert.
Autre exemple extrême, la condition du prisonnier qui se sent coupable et donc retranché, isolé, en quelques sortes, du genre humain et ceci est une souffrance atroce.  S’il exprime parfois des remords, c’est pour pouvoir se réintégrer un peu.
Il a besoin de parler avec les autres car nous avons un besoin vital  des uns des autres. D'où le succès des visiteurs de prisons, des confesseurs ou des psychologues.
L'Autre est un relais pour retrouver un point d'appui,  première  condition pour se sentir en sécurité.
En vérité, on veut être aimé avant d’aimer.
Heureusement, grâce au ballet de nos hormones, tomber amoureux ne dépend pas de notre volonté.

Jean-Pierre Barret  le 29/11/2010

[*] Vincent Lucy, "Comment on devient amoureux" , Editions Odile Jacob, Paris 2004



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